Loi de Sécurité globale : à la crise sanitaire, le gouvernement répond par moins de démocratie.

J’ai souhaité interpeler les député.e.s breton.n.e.s sur le risque que présentait le vote en l’état de la Loi de Sécurité globale, au moment où notre pays traverse une crise inédite et alors que nombre de Français s’interrogent sur la gestion de la crise sanitaire…

Voici le contenu de la lettre

Madame la Députée,
Monsieur le Député,

Cette semaine, l’assemblée nationale analysera la proposition de "loi de sécurité globale" en procédure accélérée.

Notre police a besoin de moyens pour travailler mais celle-ci doit rester une police républicaine, animée par le sens du service public et engagée pour l’égalité de traitement de tous les citoyens quels que soient leur sexe, leur âge, leur origine, leur appartenance politique... Comme de nombreux concitoyens, je suis inquiète du vote de cette loi, je me devais de vous envoyer ces quelques lignes.

L’Assemblée Nationale et le gouvernement ne peuvent répondre à la situation actuelle par moins de démocratie mais bien par plus de démocratie.
C’est bien la crise sanitaire et non les réponses apportées par le gouvernement qui ont interrompu les mouvements sociaux.

Vous rappelez-vous que ces manifestations ont été le théâtre de violences du côté des manifestants et du côté des forces de l’ordre ? Si les Gilets jaunes ont très souvent été jugés en comparution immédiate, les premiers jugements relatifs à des violences commises par des policiers arrivent tout juste…

Pour rendre la justice, les tribunaux ont besoin de preuves et chaque citoyen doit bénéficier d’un égal traitement.
Si la réponse politique renforçait les droits des policiers et enlevait de nouveaux droits aux citoyens tout en niant les comportements inappropriés de certains membres des forces de l’ordre, c’est bien le sentiment d’injustice qui en sortirait renforcé.

Et notre pays a besoin d’apaisement, surtout en ce moment…

La défiance envers les institutions grandit dans notre pays

La semaine dernière, notre pays a été confronté à la sortie d’un film présentant de nombreuses fausses informations et posant des questions sur la transparence des décisions et sur la capacité des élus à répondre aux enjeux complexes de notre monde. Ce film, vu 2 millions de fois en quelques jours, montre que les Français, à défaut de tous devenir complotistes, ont besoin d’explications, d’informations sourcées, de transparence, de débats contradictoires.

Le débat contradictoire est essentiel à la démocratie : l’absence de débat contradictoire parlementaire et citoyen sur des sujets déjà polémiques comme la surveillance de masse, la reconnaissance faciale ou la prise en compte des violences policières risque d’être vécue comme un excès d’autorité.

Ensemble, nous devons faire face au virus, à la crise économique et sociale (300 000 SDF en France et le pire est devant nous), aux difficultés liées à l’enfermement et la désocialisation mais aussi, apporter des réponses au risque d’attentats. Cette loi, si elle est votée en l’état, risque de pousser nos compatriotes dans 4 directions : l’abstention, le vote extrême, la rébellion, la dépression.

Contrôles de masse, recours à des entreprises privées, interdictions des films mettant en cause des policiers.

Cette proposition de « loi de sécurité globale » devrait renforcer le sentiment de sécurité des Françaises et des Français mais il risque de cristalliser des relations abîmées entre les forces de l’ordre et les Français .
Cette proposition de loi, au lieu de restaurer la confiance entre les forces de police et les citoyens (tous les citoyens !), renforce le pouvoir de surveillance de l’Etat sur les citoyens, tous les citoyens.
La surveillance de masse impose la reconnaissance faciale de la population, un sujet qui ne peut être imposé aux Francais sans débat contradictoire.
La surveillance de masse n’a jamais permis d’agir en prévention des attentats ; tout au plus permet-elle d’identifier et de retrouver les assassins si les forces de l’ordre n’étaient pas intervenues immédiatement.
La surveillance de masse n’a nulle part démontré son efficience, pas même à Nice où elle est mise en place ; Elle n’aurait rien changé à Conflant Saint Honorine lors de l’assassinat de Samuel Paty.

Education VS Répression

A l’ordre du jour, le renforcement du pouvoir des polices municipales, le droit pour un policier d’emporter chez lui son arme de service, le recours à des entreprises privées de sécurité, la surveillance video de masse assortie de la reconnaissance faciale, l’interdiction de filmer les représentants des forces de l’ordre lors de contrôles et des manifestations, le déploiement de drones dans l’espace public. Une loi répressive vers des citoyens en souffrance ? Est-ce bien raisonnable ?

D’une « loi de sécurité globale » j’aurais attendu des propositions plus globales, pédagogiques qui traitent les problèmes à la source : je reste persuadée que pour améliorer la sécurité, il faut améliorer le vivre ensemble. Il vaut mieux construire des écoles que des prisons

Voici donc quelques pistes de réflexions :

  • la sanctuarisation des droits des femmes en France quelles que soient l’origine et la religion
  • l’égalité entre les femmes et les hommes enseignée dans toutes les écoles (bien plus concret que la laïcité !) ;
  • Renforcer la formation des jeunes intégrant les forces de l’odre
  • une plainte accélérée et simplifiée devant les actes et paroles racistes et sexistes ;
  • une revalorisation du salaire, de l’estime des enseignants et des conditions d’apprentissage dans les écoles publiques ;
  • le renforcement des moyens de la plateforme PHAROS pour déployer les capacités d’enquête suite aux signalements
  • la lutte contre la cyber-propagande terroriste en obligeant les diffuseurs à modérer leurs contenus (comme le prévoit la loi française) ;
  • le déploiement de l’éducation populaire, de l’ESS et de la culture dans les quartiers populaires et dans les campagnes en proie à la désertification et où le sentiment d’abandon se développe ;
  • la formation et l’inclusion de la population carcérale

Pour toutes ces raisons et parce que nous serons toutes et tous impactés par cette loi, j’espère que ces quelques arguments retiendront votre attention.

Au plaisir de vous lire,

Madame la Députée, Monsieur le Député, recevez mes sincères salutations.

Gaëlle Vigouroux
Conseillère municipale à Crozon
Conseillère communautaire CCPCAM
Conseillère régionale de Bretagne (Commission économie, agriculture, mer et Europe)
En charge de la politique Egalité interne à la Région Bretagne
Vice Présidente du PNRA en charge du Développement, de l’Economie et du Climat
Vice Présidente de l’EPAB (Sage Baie de Douarnenez)
Tél : 06 64 72 30 50
Mel : gaelle.vigouroux@orange.fr

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